édition 2020, « L’élan créateur »
Le constat
On parle beaucoup en ce moment des angoisses de la jeunesse concernant le climat. Mais cette crise climatique, qu’il n’est pas question de minimiser, n’est le plus souvent abordée qu’en termes matériels, chiffres, dates et faits. Au début du siècle dernier, Bergson opposait aux analyses mécanistes de l’évolution l’idée que le monde « s’invente sans cesse ». Dans cette perspective, aucune voie n’est tracée d’avance, parce qu’à mesure que les problèmes posés par les nécessités vitales s’opposent à l’évolution, elle improvise d’imprévisibles solutions : c’est ce qu’il appelle d’un mot fameux, l’« élan créateur ».
L’intuition
Or à l’ICES, nous percevons chez nos étudiants, sinon une angoisse, du moins une exigence d’un autre ordre que celui de la seule vertu écologique et qui, sans du tout l’exclure, la surplombe : l’urgence pour eux est d’ordre culturel et spirituel. Si la « planète » doit être « sauvée », ce sera d’abord par un élan de l’esprit. S’ils sont inquiets, c’est du moindre rayonnement de leur modèle civilisationnel, du refroidissement des convictions, de la montée du scepticisme, de la morosité et de tous les catastrophismes, enfin et surtout de cette désespérante alternative qui tend à envahir tout le paysage actuel, entre extrémisme confessionnel et matérialisme consumériste, exaspération des « passions tristes », pour parler comme Spinoza, et indifférence de l’égoïsme. Nous sommes convaincus que les difficultés se résolvent par la réflexion en commun, par l’enquête, par le contact avec autrui, par l’échange, et par la communication de l’expérience. Ainsi est né le projet d’université été avec le Puy du Fou.
L’intention
Si le monde en effet peut retrouver ses couleurs, ce sera en ravivant ce qui fait le ciment d’une civilisation : la pensée, les arts et les multiples ressources de l’imagination créatrice. L’ambition de cette université d’été, c’est de donner au plus grand nombre le goût, l’envie, la passion de créer : plus précisément, de transmettre ce désir par l’exemple.
Cet exemple devra venir de tous les secteurs d’activité, non seulement des arts, des sciences et des lettres, mais, dans un esprit encyclopédique renouvelé, de toute l’entreprise humaine, économique, sociale, artisanale, politique, et bien sûr environnementale. Un chef d’orchestre, un cuisinier, un patron de PME, un jardinier, un élu ont autant à dire, montrer et inspirer l’un que l’autre dans le domaine de la création. La vraie création, pour nous, ne tient pas tant aux moyens et à l’ambition du créateur, ni au brio des résultats, ni à la réputation qu’elle procure, qu’à ce qu’elle implique d’engagement au service de l’homme et de la société.
Si l’exemple des entrepreneurs de toute sorte que viendront rencontrer ces jeunes doit être utile, c’est dans la mesure où ils leur feront comprendre en quoi consiste l’expérience de la création. La création et la transmission de cette dynamique sont une réponse aux tentations de la désespérance face aux apparentes inerties de l’existence.
La méthode
Des écrivains, des philosophes, des artistes, des interprètes, des inventeurs, des artisans, des personnalités de tout bord, des acteurs sociaux, des enseignants, des prêtres viendront dans un lieu de toute beauté, le château de la Flocellière, image parlante de ce qu’est l’enracinement historique d’une culture vive, transmettre à ces étudiants et jeunes professionnels la passion de créer qui les anime. Ils raconteront leur expérience et leur parcours, aussi bien les obstacles que les réussites, ils exposeront leur conception de la création, ils parleront de la beauté et de ce qu’elle ajoute de signification au monde : ils révéleront en quelque sorte la fabrique – dans toutes les acceptions du mot, élaboration, atelier, trame – de la création.
Viendra alors le temps de s’immerger dans une œuvre : le Puy du Fou. C’est d’abord une idée folle, de pure imagination créatrice, dont le présent succès ne doit pas faire oublier la hardiesse première, ni le fécond principe : parier que la reconstitution des riches heures de notre passé attirera des millions de passionnés au fond du bocage vendéen, miser sur une
communion fervente de milliers de bénévoles autour de notre histoire vivante pour installer au cœur d’une modeste commune de France le premier parc historique au monde, et voir un tel défi couronné d’un aussi triomphal succès, voilà qui devrait inspirer à tout un chacun l’audace d’être créateur. Échanger avec les inventeurs et les fondateurs de ce projet hors normes ainsi qu’avec les artisans qui participent à sa réalisation, visiter les coulisses et observer la mécanique complexe de l’œuvre, en comprendre mieux les rouages, sera d’un précieux enseignement pour nos candidats créateurs.
Restera à tirer leçon de cet enseignement, à mener une réflexion d’ensemble sur ces rencontres et ces découvertes. On peut alors penser qu’elles auront suscité des vocations, aiguisé l’appétit d’innovation au contact des pionniers, enraciné dans l’histoire pour mieux dessiner l’avenir.
Telle est l’ambition de cette université d’été : la création n’est jamais plus fertile en ses sentiers que lorsqu’elle vise au bien commun et se voue au service de la Création.
