Le concept 2021 : la fécondité

L’université d’été 2021 : la fécondité

Le constat

Le projet d’une université d’été à l’ICES est né d’une triple conviction.

La première : si beaucoup de jeunes gens éprouvent de l’inquiétude face au monde, cette appréhension est morale et spirituelle et moins matérielle.

La seconde : la meilleure façon de combattre le repli sur soi devant les incertitudes contemporaines est d’entrer en contact avec le monde de la création : non un “cercle fermé” mais un univers accessible dont on peut approcher les acteurs et découvrir que les meilleurs d’entre eux sont aussi des passeurs et même, oserons-nous, des “procréateurs”.

La troisième : la création mérite un cadre et un lieu où créateurs, interprètes et artisans, artistes et metteurs en scène, maîtres et étudiants, puissent se rencontrer et échanger. Ce décor, c’est le château de La Flocellière, le terrain d’expérimentation, c’est le Puy du Fou.

Le succès de la première université d’été

La ferveur des cent participants venus de toute la France a pleinement démontré que c’est bien de valeurs morales, de structures intellectuelles solides et d’exemples d’optimisme conquérant qu’ils avaient soif, plus que de considérations sur l’effondrement de notre civilisation et la destruction annoncée de notre planète. Cette première session a confirmé que les participants sont à la recherche de réponses concrètes, précises, détaillées même sur les conditions pratiques et les itinéraires variés de la création que seul peuvent leur apporter l’entretien prolongé avec les créateurs, et la mise en pratique de leurs conseils.

La fécondité, un thème inexploré

Nous en sommes alors venus à penser qu’il faudrait dans notre approche de la création valoriser l’idée de fécondité, essentiellement relationnelle, plutôt que celle d’originalité, essentiellement individuelle et conceptuelle. L’idée n’est pas nouvelle, mais assez curieusement, la pensée européenne ne s’en est guère préoccupée – et l’on peut même soutenir qu’entre ce qu’en affirme Diotime dans Le banquet, et la dernière partie de Totalité et infini, de Levinas, rien ou presque n’a été dit du fondamental thème de la fécondité.

Diotime, en rappelant à Socrate que l’amour a pour origine le désir d’éternité, né de cette parcelle de divin qui est en nous, et nous inspire l’idée même de la Beauté.

Levinas, en précisant que le rêve d’éternité, inhérent à toute âme aimante, doit aller bien plus loin que l’idée naïve d’une simple continuité, linéaire et sans fin : une vie individuelle (ou même une vie à deux) sans interruption ne mènerait qu’à un désastreux « encombrement de soi ». L’éternité doit transcender cette sommaire continuation, engendrant un nouveau moi qui soit plus que mien, tel l’enfant : « la relation avec un tel avenir, irréductible au pouvoir sur les possibles, nous l’appelons fécondité ». La fécondité ne nie nullement la fin, elle en démontre la nécessité, elle la transcende en faisant plus qu’ajouter à la vie individuelle, en l’enrichissant d’une essentielle « paternité », une prolongation qui est bien plus que l’extrapolation d’une ligne de vie personnelle.

Levinas ne réduit pas la fécondité à l’enfantement physique : elle s’étend à l’éducation, à la transmission, à la création artistique, ainsi qu’à la préoccupation du bien commun. En somme, elle désigne tout ce qui relève du don de soi à autrui. Enfanter dans le beau, faire à bon escient le don de soi, tel est en effet pour nous le sens profond de la fécondité, contre tous les enfermements narcissiques, y compris au nom du génie. À cette condition précisément, la création reste accessible à tout un chacun, alors que l’originalité radicale se refuse au grand nombre.

C’est donc ce vaste champ de la fécondité créatrice que nous explorerons au cours de la session 2021, parce qu’il nous paraît le mieux à même d’approfondir les perspectives ouvertes par le thème de l’élan créateur.

L’université d’été 2021

Elle reprendra le principe de la précédente, en cinq chapitres – cinq journées :

l’état des lieux,

la « fabrique » de la création,

l’atelier et la mise en oeuvre,

l’immersion dans l’œuvre magistrale du Puy du Fou, et pour conclure,

l’envoi en mission.

La plongée fascinante dans l’univers du Puy du Fou – « plongée » est le mot, car nous sonderons bien au-delà de la surface spectaculaire, et descendrons jusque dans les « salles des machines » – au terme de laquelle chaque participant ainsi imprégné de l’esprit créatif sera appelé à rejoindre le réseau des créateurs.

L’ambition de notre université d’été reste bien de faire éclater cette vérité : la création n’est jamais plus féconde en ses divers sentiers que lorsqu’elle vise au bien commun, et se voue au service de la Création tout entière.